jeudi, juillet 19, 2012

 

Suicide assisté : Ottawa porte la cause en appel


Article d'Hélène Buzzeti, correspondante parlementaire à Ottawa, Le Devoir, 15 août 2012

Ce n'est pas demain la veille que le suicide assisté sera autorisé au Canada. Le ministre fédéral de la Justice, Rob Nicholson, a annoncé hier qu'il porte en appel un récent jugement de Colombie-Britannique. « Le gouvernement est d'avis que les dispositions du Code criminel qui interdisent aux professionnels de la santé ou à qui que ce soit d'autre de conseiller ou d'aider quelqu'un à se suicider sont valides sur le plan constitutionnel, » a déclaré le ministre par voie de communiqué.

Le ministre rappelle que « les lois encadrant l'euthanasie et le suicide assisté existent pour protéger tous les Canadiens, y compris les personnes les plus vulnérables, telles que les personnes âgées, malades ou handicapés ». Or, souligne-t-il, la Cour suprême du Canada a déjà reconnu que l'État avait le droit de prendre des dispositions pour protéger ces personnes vulnérables dans la décision Sue Rodriguez en 1993.

En outre, fait valoir le ministre Nicholson, les élus ont déjà indiqué qu'ils ne voulaient pas changer la loi. « En avril 2010, une vaste majorité de parlementaires a voté de façon à ne pas modifier ces lois, ce qui constitue une expression de la volonté démocratique dans ce dossier. Il s'agit d'un enjeu qui soulève les passions et qui divise de nombreux Canadiens. »

En effet, la députée bloquiste Francine Lalonde avait déposé le projet de loi C-384 pour légaliser l'aide au suicide pour les personnes en phase terminale atteinte d'une maladie entraînant des douleurs physiques ou mentales aiguës sans perspective de soulagement. C-384 avait été défait à 228 voix contre 59. Le caucus bloqquiste avait voté pour le projet de loi, à l'exception de Gérard Asselin, de même que quelques libéraux, néodémocrates et les ministres conservateurs (aujourd'hui défaits) Lawrence Cannon et Josée Verner.

Au NPD, on se désole de la décision du ministre. On aurait préféré que le gouvernement profite de cette décision du premier tribunal pour lancer une vaste consultation des Canadiens sur l'enjeu plus large des soins et des besoins en fin de vie. « On ne devrait pas avoir une approche de tout ou rien par rapport à cet enjeu, indique la députée Megan Leslie. Il y a beaucoup de choses qu'on peut faire au niveau législatif pour encadrer non seulement le suicide assisté, mais la fin de vie et les besoins de en fin de vie. »

Au Québec

Au Québec, le son de cloche sur la fin de vie a été différent. En mars dernier, la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité a rendu public son rapport et ses 24 recommandations unanimes. Constat : il faut améliorer les soins palliatifs, mais il faut aussi, dans des cas très spécifiques, permettre à des adultes aptes, atteints de maladie incurable et dont les souffrances ne peuvent être apaisées d'obtenir de l'aide pour mourir.

Le mois dernier, la Cour suprême de Colombie-Britannique a donné raison à Gloria taylor, une dame atteinte de la maladie de Lou-Gehrig qui réclamait le droit d'obtenir de l'aide pour mourir au moment et à la manière de son choix. La juge donnait au Parlement un an pour revoir les règles. C'est cette décision qu'Ottawa porte en appel devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. Il serait ensuite possible de s'adresser à la Cour suprême, ce qui signifie une décision définitive dans plusieurs années. Le bureau du ministre n'a pas été en mesure hier de dire si le droit au suicide assisté consacré par le jugement de première instance était maintenu le temps que l'appel soit entendu.

Au Bloc québécois, on ne s'étonne pas de la décision du ministre Nicholson, mais on s'en désole également. « Le ministre devrait réglementer le suicide assisté plutôt que de se rendre jusqu'en Cour suprême », soutient la députée Maria Mourani. N'est-il pas plus sage, cependant, de se rendre jusqu'au plus haut tribunal du pays pour avoir un point de vue sur la question ? Mme Mourani estime que le Parlement « doit arrêter de se cacher derrière les tribunaux, On est élu pour cela ». Selon Mme Mourani, la différence de point de vue entre Ottawa et le Québec constitue une preuve que le Code criminel devrait être de compétence provinciale plutôt que fédérale, de manière à permettre au Québec d'exprimer sa différence sur cette question morale.

La Coalition pour la prévention de l'euthanasie s'est réjouie de la décision d'Ottawa, hier. le directeur du groupe, Alex Schadenberg, estime que le suicide assisté  constitue une pente glissante sur laquelle il ne faut pas s'aventurer. De la même manière que le suicide n'est pas considéré comme une option valable pour les personnes déprimées, il ne devrait pas l'être davantage pour les malades. « Si quelqu'un est déprimées, vit des problèmes et veut s'enlever la vie, est-ce que la société dit : « Oui, vas-y »? Non, la société tente de protéger ces gens. » Lui aussi suggère que cette question ne se poserait pas si les soins de vie étaient améliorés.

RD





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